Retour à l'accueil

 

Retour à l'accueil des maisons

 

17 rue du Colonel Fabien

 

Stéphane et Nathalie Topalian

 

 

 

 

Elle est née en 1930. Son constructeur est Fernand Jaloustre, un mécanicien de 35 ans qui a épousé Léontine 5 ans plus tôt. Il a 2 filles : Paulette 12 ans et Jeannine, 7 ans, issues de son premier mariage à Chaville, avec Thérèse, décédée en 1924.

 

Fernand et Léontine ont-ils été inspirés par le style de la maison de Pascale et Eric Louvencourt, de loin, son aînée au N° 2 de notre rue ? Toujours est-il qu’ils construisent une maison élégante, avec son toit pointu, son balcon en hauteur, orné, comme les appuis de fenêtre, d’un garde-fou rosacé.

 

C’est la première maison qui incorpore son garage à l’intérieur de sa construction, d’où un rez de chaussée surélevé et un long escalier d’accès. Il est vrai que Fernand est mécanicien et qu’il soigne son automobile ! Il aime travailler le fer car il forge ses initiales dans les grilles de protection des petites fenêtres latérales des toilettes du rez de chaussée et de l’étage.

 

On retrouve F J dans celle de l’étage, mais non plus au rez de chaussée car Emile Mandonnet a du remplacer sa grille à la suite d’une détérioration par des cambrioleurs en 1974.

 

Un an avant la construction, Fernand et Léontine avaient acheté, en 2 actes notariés des 7 et 12 Janvier 1929, les 319 m² de terrain nécessaires, prélevés sur «le champ» appartenant à Gertrude Jezequel, nièce héritière de Jean van Goens dont nous avons parlé longuement à propos de la maison de Nathalie et Benoît Firmin.

 

Les Jaloustre habitent leur maison peu de temps. Mauricette se souvient d’avoir rendu visite à Jeannine, malade dans son lit, au 1er étage. François ne se souvient pas d’avoir fréquenté Paulette pourtant à peu prés de son âge.

 

Ils louent leur maison à la famille Goutière, dont on se rappelle beaucoup plus car il y a cette fois trois filles : Huguette, Roselyne et Danièle.

 

Roselyne qui va encore à l’école chipe un beau matin à Maurice Boulay, papa de Mauricette, le joli bouquet qu’il avait préparé avec les fleurs de son jardin pour l’offrir à sa patronne.

 

Madame Goutière se querelle souvent avec son voisin d’en face, Antonin Garnaud (arrière grand-père du petit Antonin).

 

L’une des causes de ce désaccord est le sol de la rue Antoine Herbron.

Depuis l’origine et jusqu’en 1972, chacun doit combler les ornières que creusent régulièrement les intempéries dans ce chemin sableux de 6 mètres de largeur, en pente de 10%, dans lequel se déversent également les eaux usées des habitants.

On utilise les matériaux qu’on a sous la main, parmi lesquels les cendres et escarbilles de nos poêles et cuisinières à charbon ou à bois.

 

Mais il y a autant de façons de les étaler que de motifs de discussions voire de disputes entre voisins. En l’occurrence « Si chacun balaie devant sa porte », les Goutière et Garnaud se renvoient mutuellement leurs cendres à grand coup de balai !

 

Louise Boulay, maman de Mauricette, qui s’accorde avec tout le monde, sera souvent le lien qui raccommode les morceaux.

 

Finalement, les Jaloustre vendent leur maison et les Goutière quittent le quartier à la libération, au moment où Antonin, élu maire-adjoint de Viroflay, obtient que la rue Antoine Herbron devienne celle de la rue du Colonel Fabien.

 

Le 11 Janvier 1944, c’est Nadine Kriatchko, née en mer, sur le paquebot “Le Chili” le 7 Janvier 1919, dont le papa est russe, qui achète la maison aux Jaloustre.

 

Elle est mariée avec un Monsieur “Pinard” mais divorce le 20 Juillet 1946 pour épouser un Monsieur “Plus” le 16 Février 1950.

Nadine Kriatchko est une chercheuse. Elle travaille au Centre National de Recherche Scientifique de Saclay. Rarement au 17 de la rue devenue celle du Colonel Fabien, elle préfère résider sur place à Gif sur Yvette, et charge son père, Monsieur Kriatchko, de vendre sa maison en 1954, 10 ans après l’avoir acquise.

 

A ce moment, Emile et Emilienne Mandonnet, 45 ans, habitent Boulogne-Billancourt avec leurs 2 garçons : Jean-Claude, 15 ans et Pierre, 6 ans ; sur les conseils de leur médecin, ils recherchent, pour le petit Pierre, de santé fragile, une maison à la campagne, en Seine et Oise, par exemple.

Ils la trouvent à Viroflay, rue du Colonel Fabien, près des bois, et signent l’acte de propriété le 13 MARS 1954.

 

Emile Mandonnet, né le 11 Août 1909 à Sainte Florine (Haute Loire) a fait de bonnes études primaires, il réussira au concours d’entrée, comme interne, à l’Ecole pratique du Puy, où il poursuivra ses études, pendant 3 ans, de 1924 à 1927. Ses carnets de notes, qu’il nous montre avec une légitime fierté, révèlent un élève remarquable, toujours premier de sa classe et qui a toutes chances d’accéder, en 4ème année, au diplôme d’ingénieur, à l’Ecole des Arts et Métiers de Cluny.

 

En 1928, il existe 5 écoles nationales des arts et métiers, d’ingénieurs en France. La promotion globale doit fournir 500 ingénieurs par an. Emile a 18 ans à l’expiration de sa 3ème année, lorsque son père décide que « c’est trop long » et qu’il doit entrer au travail. Il est embauché comme dessinateur chez Manufrance à Saint Etienne.

 

2 ans plus tard, en 1930, Emile s’échappe de sa province. Il est engagé par Louis Renault à Boulogne Billancourt, sur le seul témoignage de ses carnets de notes, comme jeune ébéniste - le contingent de dessinateurs est complet -à l’usine “O”, Porte de Saint-Cloud (près de l’endroit où se trouve actuellement le stade de Coubertin).

 

L’usine “O” est celle des voitures de luxe. Emile y travaillera 40 ans, jusqu'à sa retraite en 1970. Entré comme ouvrier ébéniste, il en sortira contremaître, au sommet des échelons de sa catégorie. Cette retraite, bien méritée, dure depuis 27 ans, dans sa maison de Viroflay, mais aussi, pendant l’été, depuis 1957, dans la charmante demeure normande, ancienne fermette aménagée par lui-même, à Bellou sur Huisne, dans l’Orne.

 

Avec Emile, c’est toute l’épopée des voitures Louis Renault qui remonte à la surface. Il raconte :

 

« Comme ébéniste, je suis chargé, pour la « Reina Stella » et la « Nerva Stella » des années 30, de créer des frises en noyer et en palissandre, avec des filets en maillechort (alliage cuivre, zinc et nickel qui imite l’argent) pour décorer l’intérieur des voitures et les tableaux de bord. Je fabrique et installe des encadrements de glace en noyer verni de toute beauté.

 

Louis Renault, le patron, est très exigeant pour ses ouvriers et pour lui-même. Il travaille beaucoup et attend de nous un travail et une conduite irréprochables.

 

La cigarette est interdite dans le département du bois. Les cloisons sont à mi-hauteur, si un contremaître aperçoit un petit filet de fumée, renvoi immédiat.

Si un ouvrier est pris à lire un journal “communiste” pendant le travail, renvoi immédiat.

 

Comme il y avait déjà, hélas, dans les années 30, beaucoup de chômage, on se tenait sur nos gardes !

Louis Renault était habillé comme nous. Un soir, un jeune ouvrier récemment embauché, s’approche de la sortie de l’atelier. Le patron arrive et l’interroge : Qu’est-ce que tu fais là ? Réponse : Je fais comme toi, j’attends que ça sonne ! Renvoi immédiat.

 

Lorsque nous préparions le salon de l’automobile, qui avait lieu chaque année le premier jeudi d’Octobre, nous étions au travail tous les jours, de 7 h.30 à 22 h30, sauf le dimanche où nous quittions l’usine à 20 h. Cela durait 3 semaines mais nous étions payés en heures supplémentaires.

 

A 20 ans, on est quand même parfois fatigué. Il m’est arrivé, une seule fois entre 1930 et 1936, de solliciter du contremaître un repos, à mon compte, d’une petite semaine. Réponse : Si le boulanger faisait comme toi, qu’est ce que tu mangerais ? Je me le tins pour dit.

 

Tout a changé en 1936. Léon Blum, avec le front populaire et les accords de Matignon, ont permis la loi sur les 40 heures par semaine et les 14 jours de congés payés par an.

 

Dans l’usine occupée, les travailleurs dansaient. Moi, je n’ai pas dansé, mais j’ai suivi les défilés avec des chars fleuris dans l’Avenue Jean Jaurès de Boulogne Billancourt. C’était la liesse populaire !

 

Il y a eu jusqu'à 33.000 travailleurs dans l’usine de Boulogne et l’Ile Seguin. Nous étions 3 à 4.000 à l’usine “O” de la Porte de Saint-Cloud.

 

En 1939, j’ai été mobilisé. Je creusais des tranchées antichars sur la frontière suisse, mais Renault m’a fait rappeler comme “affecté spécial” et cela m’a évité la déroute et la captivité.

 

Comme toutes les usines, Renault a été réquisitionnée par l’armée d’occupation. Nous avons nos martyrs de la Résistance :

 

Pendant l’offensive allemande en Russie, les camions Renault tombent mystérieusement en panne.

Les spécialistes de la Gestapo sont chargés de l’enquête. Ils cherchent longtemps mais finissent par découvrir en laboratoire le secret de ces arrêts qui retardent l’avancée allemande : Quelques grains de sable ont été placés, certainement après beaucoup d’essais, à un endroit stratégique du moteur, de manière à ce qu’il puisse fonctionner un certain temps sans donner l’alerte. Sabotage : le lendemain matin à l’aube, la totalité des travailleurs de l’atelier de fabrication des moteurs de camions est arrêtée et fusillée.

 

Depuis la libération de 1945, les travailleurs de chez Renault ont été à l’avant-garde des progrès sociaux, sur le plan des salaires et des conditions de travail, mais aussi, sur le plan des Retraites Complémentaires par Répartition.

 

Je me souviens de tous les directeurs qui ont succédé à Louis Renault et notamment de Pierre Lefaucheux dont la rue adjacente à la nôtre, qui porte son nom, prouve combien les habitants de Viroflay ont été marqués par l’épopée Renault. »

 

Revenons à la maison et à ses habitants. Emile et Emilienne, nés tous deux en 1909 et mariés à Sèvres le 21 Novembre 1931, sont séparés par le décès d’Emilienne, survenu subitement, dans sa maison normande le 12 Août 1992, après 61 ans de mariage.

 

« Les couples heureux n’ont pas d’histoire ». Pour son réconfort, Emile peut compter sur ses 2 fils et belles-filles et ses 4 petits enfants (2 pour chaque couple)

 

Mauricette et moi connaissons moins Jean-Claude qui venait voir Bernard (le petit frère de Mauricette). Il était déjà un grand jeune homme en arrivant et il a quitté Viroflay pour se marier en 1964. Jean-Claude est devenu conducteur de travaux à la F.P.A. (Formation Professionnelle des Adultes) et demeure à Vincennes.

 

Par contre, nos enfants ont joué avec Pierre dit “Pierrot” qui est sensiblement de leur âge; ils ont en commun des souvenirs de leurs jeux, notamment dans “le champ” dont nous parlerons à l’occasion. Pierre est devenu ingénieur électronicien. Il demeure à Palaiseau. Lui et sa charmante épouse, Yvonne, ont voulu revoir leurs amis d’enfance et sont venus à la fête de la Rue du 21 Septembre 1980, comme en témoignent les photos le l’album de l’Association Syndicale autorisée de la Rue du Colonel Fabien.

 

Emile et Emilienne Mandonnet ont toujours été de fidèles adhérents à l’Association de la Rue (qu’elle soit autorisée ou libre !).

En 1972, ils ont consenti, pour le bien général, le sacrifice des deux magnifiques érables, l’un blanc, l’autre, foncé, qui ornaient leur maison, mais qui se trouvaient sur les 2 mètres de terrain nécessaires à l’élargissement de la rue.

 

C’est Emile Mandonnet qui a voulu lui-même reconstruire son mur, ses portes et barrières de clôture, alors que tous les autres propriétaires, de part et d’autre de la rue, acceptaient les murets de clôture offerts par l’Association et construits par les ouvriers de “La Colas” Emile Mandonnet se souviendra toujours du compliment qu’il a reçu à ce sujet de Pierre Caquet, Directeur de l’Association « Monsieur Mandonnet, vous avez mieux travaillé que nos ouvriers spécialisés »

 

La Famille Topalian acquiert la maison à l’été 1999, mais n’emménage qu’en octobre 2000 avec ses trois enfants : Romain (1994), Adrien (1996) et une adorable petite fille de quelques semaines : Noémie.

 

Nathalie, en congé parental, est comptable, tandis que Stéphane est responsable de tous les secteurs de la Protection Maternelle et Infantile du département, au Conseil Général des Yvelines.

 

La famille arrive de Chaville où elle est fière d’appartenir à la Communauté Arménienne importante de notre ville voisine.

 

La « Giroflée libre »de décembre 2000 souhaite la bienvenue aux arrivants  sans se douter de la mauvaise surprise qui les attend quelques jours plus tard.

 

Tandis que Stéphane ouvre une tranchée le long d’un encadrement de porte pour y faire passer une conduite électrique, il s’aperçoit qu’une poussière de bois s’échappe du panneau. Poursuivant ses investigations jusqu’au plafond, il constate avec de plus en plus d’inquiétude que les capricornes ont creusé leur route et, allant de découverte en découverte, que la poutre du plafond est presque complètement rongée. Ce constat navrant empêche Stéphane et Nathalie de dormir, tandis que le si scrupuleux Emile Mandonnet se retourne dans sa tombe !.

 

Nos nouveaux voisins n’ont d’autre ressource que de faire appel à une entreprise spécialisée qui va passer en revue toute la maison de la cave au grenier pour repérer le travail ravageur des capricornes qui ont depuis longtemps disparu, mais qui nécessite le traitement de toutes les boiseries de la maison de la cave au grenier, obligeant le remplacement de tous les plafonds revêtus de l’ancien bakula des années 30.

 

Cette aventure amène l’association des propriétaires de la rue du Colonel Fabien à faire examiner leurs charpentes par une société agréée, qui heureusement ne découvrira rien, sinon la trace d’une fouine qui, venant du bois de Fausses Reposes, avait campé dans deux greniers de nos maisons !

 

Après ces tribulations qui ont provoqué le renouveau de la maisonnée, l’arrivée d’un gentil petit Loris, quatrième enfant de Nathalie et Stéphane, le 1er octobre 2005, confirme la famille dans l’idée d’agrandir la maison en utilisant une partie du jardin situé derrière celle ci.

 

Cet agrandissement en rez de jardin permet de créer au niveau de l’ancien sous sol, 3 chambres supplémentaires et un cabinet de toilette desservis par un couloir.

Puis, au niveau du rez de Chaussée, une large terrasse, sur laquelle on accède facilement par les anciennes fenêtres transformées en portes fenêtres et par l’escalier latéral.

 

Pour s’isoler de voisins, la loi oblige Nathalie et Stéphane à construire des murs de chaque coté de la nouvelle construction. Des plaques carrées de caillebotis, en bois serré des îles, posées sur de petits pilotis, protège la couverture étanche de cette grande terrasse, sur laquelle il doit être plaisant de marcher pieds nus au soleil !

 

Toutes ces améliorations de la maison sont dues certes aux nouveaux propriétaires mais aussi certainement à Monsieur Topalian, père de Stéphane, qui s’est beaucoup investi dans la maison de ses enfants et petits enfants.

 

Nos amis ont toujours été des adhérents, participants actifs notamment à l’organisation des fêtes de rentrée de l’Association et Nathalie de son coté a été élue au conseil d’administration pendant plusieurs années. Qu’ils en soient ici remerciés et poursuivent une vie heureuse dans notre quartier.

 

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